Après de solides études en philosophie dont le souvenir ne s’effacera jamais, le romancier de la Recherche du temps perdu enfouit cette culture dans son œuvre, où la mention de divers philosophes joue un rôle anecdotique – la véritable philosophie se trouvant là où aucun penseur n’est nommé ; sa pensée ne se rattache à aucune doctrine prépondérante, bien que la sienne en évoque un très grand nombre.
En envisageant de front cet éclectisme philosophique, la présente enquête ne repose sur aucun apparentement a priori. Ce faisant, elle restitue l’entreprise de Proust au vaste patrimoine philosophique occidental qui forme son horizon. La pensée d’une multitude de philosophes vient se refléter dans les pages de la Recherche : il s’agissait de répertorier ces reflets, et plus encore de s’interroger sur la raison de leur extrême diversité, donc d’essayer de théoriser cet éclectisme.
Mais selon quels critères valider ces multiples échos ? Un autre parti adopté a été de reconstituer la culture philosophique de Proust dans sa réalité – en partant de ses papiers scolaires, de ses programmes du baccalauréat et de la licence de philosophie. Pour la première fois, les manuels scolaires et les cours suivis ont été pris en compte (notamment une version manuscrite du cours d’Alphonse Darlu), et les ouvrages de ses divers professeurs ont été confrontés à son œuvre. On ne peut nullement dire que la philosophie de Proust doive tout à ce qu’on lui a appris. La consultation de ce qu’il a effectivement lu et entendu replace simplement l’examen de sa doctrine dans l’exacte perspective de son émergence. Le romancier transcende les apories philosophiques qu’il rencontre sur son chemin, par quoi il refonde la philosophie de son temps. Et dans les cas, délimités, où il accueille telle quelle la pensée qui lui a été enseignée, le créateur ramasse alors ses forces et s’appuie sur ce fonds pour développer une éclatante et imprévisible invention romanesque.
Introduction
Première partie
POSITION DU PROBLÈME
Chapitre I : Littérature et philosophie mêlées
Chapitre II : Le processus éclectique
Chapitre III : Philosopher au jour le jour
Chapitre IV : Aristote à quatre pattes
Chapitre V : L’inconvénient du système
Deuxième partie
L’ÉCLECTISME À L’OEUVRE
Chapitre VI : L’ouverture de la Recherche
Chapitre VII : Le clivage du temps perdu et du
temps retrouvé
Chapitre VIII : La croyance et la loi
Chapitre IX : À l’école des théoriciens du langage
Chapitre X : Leçons sur la mémoire
Chapitre XI : La philosophie du sujet
Chapitre XII : Le romancier comme philosophe
expérimental
Troisième partie
DEVENIR ROMANCIER
Chapitre XIII : L’émergence du discours dans
l’univers de la monade
Chapitre XIV : Du côté de Schopenhauer ?
Chapitre XV : La recette psychophysiologique et
associationniste
Chapitre XVI : Séailles et la maîtrise esthétique
Chapitre XVII : Gabriel Tarde ou la philosophie faite
roman
Chapitre XVIII : Bergson, la confrontation suprême
Chapitre XIX : Éclectisme philosophique et résolution
romanesque
Bibliographie
Index
Table des matières analytique